Pasolini, cinéma-quête (1/2)

Dimanche dernier, l’après-midi, j’ai pu revoir l’admirable Accattone de Pier Paolo Pasolini, à la Cinémathèque française. J’étais assis au dernier rang de la grande salle en surplomb et je me souvenais de la présence sur cette même scène de Dennis Hopper, en octobre 2008, venu présenter son chef-d’œuvre Easy Rider, et accompagné par Serge Toubiana.

Ce jour récent, oui, Accattone (1961) frappe encore par son image carrée, comme refusant tout débordement, par sa joie et sa détresse, par le jeu de ses acteurs (Franco Citti en premier) aussi réels que dans la vraie vie, son déroulement inéluctable (le « fatum » comme plan final). Un film implacable, dénonciateur de la misère, de l’environnement social, un film sans fioritures, rempli de force et de grâce (noir et blanc solaire, musique de Bach).

Ensuite, j’ai parcouru l’exposition Pasolini Roma qui, à elle seule, réussit l’exploit de donner un aperçu vivant, et forcément incomplet, de l’existence irréductible de l’artiste, depuis son arrivée à Rome jusqu’à son assassinat le 2 novembre 1975. Le célèbre travelling de Nanni Moretti en Vespa, dans Journal intime (1993), qui se dirige vers la plage d’Ostie, est naturellement projeté ici.

Avec toutes les facettes ou les talents qu’il possédait, mis en relief par son engagement politique : poète, scénariste, cinéaste, journaliste et écrivain, dramaturge…, Pasolini hante par sa présence quasiment palpable les différentes salles de cette exposition si riche en documents, objets symboliques, comme la célèbre Moviola (ou Steenbeck), machine démesurée à (dé)monter les films, photos, tableaux, affiches, poèmes – celui, d’une vérité poignante, sur Marilyn Monroe – manuscrits, scénarios, articles de presse, films documentaires, livres, témoignages et autres marques d’une vie violente.

Pasolini écrivit à plusieurs reprises sur sa propre disparition.

Mais son œuvre n’a pu être éradiquée dans le sable lors d’une nuit tragique. Elle demeure ouverte aux courants marins et libres qui la traversent dans son impétuosité originelle.

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Paso12_DH(Cliquer sur les photos pour agrandir leur format.)

[ ☛ à suivre ]

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24 réflexions sur “Pasolini, cinéma-quête (1/2)

  1. brigetoun dit :

    « Elle demeure ouverte aux courants marins et libres qui la traversent dans son impétuosité originelle. »
    bien dit

  2. potaux dit :

    Una disperata vitalità

  3. @ potaux : son tombeau (petit quadrilatère) est visible dans une salle de l’expo.

  4. Une sensibilité à fleur de peau qui devenait même violence ; un désir de savoir et une force de l’imagination qui se traduisaient toujours en dramatique capacité de voir en avance, de deviner les dérives d’un « système » incapable de regarder la réalité de façon simple, comme la regarderait un enfant.
    Un vrai rebelle, un vrai grillon parlant, indomptable car poussé par une contrariété désespérée.
    Comme tu dis, on a essayé d’éradiquer son oeuvre déjà de son vivant et sa mort – prévue et de quelque façon inévitable – s’inscrit dans ce conflit (typiquement italien) entre la transparence de l’intelligence (libre et créatrice) de l’homme seul et l’obscurité obtuse d’un pouvoir occupé par une camarilla de sujets profondément ignorants et d’une grossièreté inexorable.

    • @ biscarrosse2012 : Dans ses « Écrits corsaires », recueil d’articles de presse et d’interviews (Flammarion 1976, Livre de poche N° 5320), on voit clairement sa démarche politique et ce à quoi elle se heurta.

  5. Désormière dit :

    La cinquième photo est la réussite inattendue d’une rencontre fortuite entre passé et présent, dedans, dehors. D’aucuns l’appelleraient mise en abyme.

  6. godart dit :

    Dixième photo (Fiat ?) : temps béni où l’électronique n’avait pas encore envahi l’automobile, avec la possibilité de se pencher « en hochant la tête sur le distributeur, la bobine, le démarreur, la dynamo, comme des aruspices sur des foies de mauvais augure et diagnostiquent finalement une imperceptible odeur de roussi, un point noir sur une vis platinée… ».
    (« L’usage du monde » de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet).

  7. PdB dit :

    Ah les heures inoubliables passées sur la Steenbeck dans la cave de l’institut d’arts et archéologie, près de l’Observatoire (les années étudiantes, mais Pasolini -j’ai revu « Mamma roma » à la cinémathèque il y a peu, avec des travellings arrière magnifiques dans la nuit et Anna Magnani qui raconte ses histoires….- Pasolini – comme Tati d’ailleurs- je n’ai jamais vraiment réussi à l’apprécier, peut-être à cause justement de ce que tu en dis « des acteurs aussi réels que la vraie vie »… )

    • @ PdB : l’art suprême de l’acteur est pourtant bien de faire oublier son « acting », non ?
      Ou alors, c’est un « rôle de composition », du fard, du cabotinage.
      On est pris par le jeu (au cinéma ou au théâtre) quand on oublie l’acteur, me semble-t-il.

      • PdB dit :

        oui, ce n’est pas tant ça que je discute, bien sûr faire oublier qu’on regarde quelqu’un en train de jouer, mais c’est plus ce que ce quelqu’un joue, l’histoire, les histoires dans lesquelles les personnages se trouvent pris (c’est extrêmement personnel comme approche) qui ne me plaisent pas… je crois…

  8. @ PdB : tu aurais préféré d’autres scénarios, d’autres acteurs et, tout compte fait, un autre cinéaste ! C’est ton droit absolu.
    Et heureusement pour toi, il y a le choix !

  9. Francesca dit :

    Inconditionnelle de PPP, je suis très émue par ton bel article et tes photos. Je dors quasiment à la Cinémathèque (ce Dimanche-là, 21h45 pour « La langue du désir » de Ludwig Trovato sur Pasolini).
    Outre un artiste surdoué – j’aime surtout le poète – PPP, dont la vie et la mort furent violentes, était, malgré son profond pessimisme, un homme joyeux, à la voix d’une extrème douceur.
    Son extraordinaire lucidité éclate dans ses « Ecrits corsaires » et ses « Lettres luthériennes » et il faut aussi lire  » L’ultima intervista di Pasolini  » chez Allia (février 2010), de Furio Colombo et Gian Carlo Ferretti.
    Pasolini dit à Colombo de lui laisser ses questions
    –  » Il est plus facile pour moi d’écrire que de parler. Je te laisse les notes supplémentaires pour demain matin « .
    Cette nuit même, il fut assassiné …

    • @ Francesca : l’expo et les films projetés méritent que l’on campe sur place !

      Une cinéphile comme toi a sans doute un pass permanent… (la grande salle de la Cinémathèque est vraiment une des mieux agencées de Paris).

      • Francesca dit :

        @ Dominique, oui, avec le Libre Pass, on voit ce qu’on veut quand on veut – si l’on ne travaille pas ; ou plus. Le seul embarras est de choisir…

  10. @ Francesca : alors, il faut se laisser guider par l’impulsion…

  11. […] en bas de page, des remerciements au début et une bibliographie à la fin. Ce n’est pas non plus une exposition, comme en novembre 2013 à Paris, aussi belle […]

  12. […] fut ouverte l’exposition Pasolini à la Cinémathèque de Paris, je m’y rendis avec joie (novembre 2013) – sans me douter alors qu’un […]

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