La dernière œuvre en date de l’écrivain Benoît Dehort, Dentelles quelles, risque de rater de peu la poignée de lecteurs qui l’ont suivi jusqu’à présent car ce n’est pas le genre de livre dont les critiques littéraires aiment parler dans leurs journaux, radios ou rares télés : hors norme, inclassable, ne s’emboîtant dans aucun genre catalogué (roman, polar, science-fiction, érotique, historique…) ni aucun style cadré (mélancolique, diabolique, machiavélique, humoristique, voire primesautier…), il déconcerte, décontenance, déstabilise et désarçonne – même le glas.
Ce conte cruel, ce palimpseste de citron aux multiples entrées et sorties, avec ou sans pépins, cette parabole hyperbolique laissent, il faut le dire, carrément pantois.
L’invention pétillante, la surprise qui gifle, le rebondissement qui aplatit, la création surprenante de mots (ernouillafolle, viretampiste, brandrévisse, loritrémille…) et l’intrigue – si ce terme faible pouvait correspondre à un « scénario » irracontable – qui dépasse l’imagination la plus échevelée, placent le lecteur au centre d’un tourbillon, d’un maelström, et même d’un tsunami, où la fantaisie de l’écrivain le dispute sans cesse à l’apparent sérieux du philosophe.
En fait, Dentelles quelles décourage à la fin tout compte rendu, toute critique, toute « note de lecture ». Il ne devrait être mentionné ici que par le nom de son auteur, le titre, l’éditeur (la maison méconnue des Éditions du goudron, qui poursuit dans l’ombre un travail remarquable, en papier et en numérique), et affublé d’étoiles, de feux d’artifices, de smileys innombrables ou d’un trait épais de stabilo rouge.
[Benoît Dehort, Dentelles quelles, Les Éditions du goudron, janvier 2014, 10,27 €, dans toutes les bonnes librairies et sur les sites recommandables de vente en ligne.]
(La couverture de ce livre a été réalisée en quatrième vitesse d’après la photo prise à Paris, rue Rambuteau, 4e, le 14 janvier à 10:52. Cliquer pour élargir les deux.)
je crois pourtant qu’il est difficile de donner plus envie de le lire que vous le faites là
@ brigetoun : après, il faut réussir à le trouver.
Je connaissais les collants Tels Quels dans les années 70, mais pas cet auteur.
@ potaux : Sollers adhère encore.
Faire tiédir la liseuse avant de télécharger un titre des Editions du Goudron !
(Dehort, intemporel et pourtant si précis)
@ Dom A. : oui, il peut fondre dans la main !
Je crois que le courage est une qualité de plus en plus rare chez les éditeurs (introuvables comme tu dis) mais aussi chez les auteurs et encore plus les lecteurs. Voilà une exception qui confirme la règle !
@ biscarrosse2012 : cet éditeur continue à… fumer dans son coin, malgré l’empilement de toutes sortes de réglementations.
Ah! Le grand Benoît Dehort! L’auteur dont chaque chute creuse sous vos pas de nouveaux abîmes! Ah! La belle saison!
@ Natacha : il est rare mais aime aussi Vivaldi.
Cet été au cours d’un voyage en Nunavut, j’ai eu le privilège de rencontrer Tapiriit Kanatami. Parlant une langue d’origine eskimo-aléoute, la communication n’était pas évidente. Toutefois, un nom revenait régulièrement dans son discours que je notais dans mon petit calepin: Denoît Behort. Quelle ne fut pas ma surprise en ouvrant ce matin « Métronomiques ». La déformation du nom vraisemblablement due à un problème d’articulation, Tapiriit me parlait en fait de Benoît Dehort. Je m’empresse, via un téléphone satellitaire qui ne le quitte jamais, de lui passer l’information. Décidément, le monde est petit.
@ godart : l’éditeur de Benoît Dehort ignore sans doute que sa renommée atteint jusqu’aux confins du Nunavut.
Je lui envoie un mail pour lui signaler qu’il faudrait songer à une traduction des œuvres de B.D. dans la langue de ce pays.
Merci !
Henry Polar a-t-il tenté de faire parvenir aux éditions du Goudron ses mémoires ? Nul doute qu’il y trouverait lecteur assidu et compréhensif… (en souvenir de ms qui nous disait que ces éditeurs-là dénichaient toujours les meilleures plumes…)
@ PdB : ce Polar n’a pas été revu, pour le moment, dans le coin… et j’ignore ses coordonnées !
Oui, on pense à elle.
Je suis devenue curieuse… !!!
Le mot « goudron » est beaucoup éloquent !
@ claudiapatuzzi : il a une certaine épaisseur.
et colle aux pieds quand il fait chaud (et aux plumes)
@ PdB : j’ai toujours aimé l’odeur du goudron frais… 🙂 D.H.
faire dans la dentelle après avoir pété dans la soie, quelle extase !
@ Chesnel Jacques : chacun ses plaisirs.
encore un livre à ajouter à la LDLÀLCQC (liste des livres à lire coûte que coûte): bien vendu!
@ czottele : je ne connaissais pas cette liste (mais il paraît qu’il est difficile à trouver).
[…] Benoît Dehort, Œuvres complètes, Les Éditions du goudron, 2021 (tome 32, page 13). […]
[…] Benoît Dehort, Œuvres complètes, Les Éditions du goudron (tome 23, page 13). […]
[…] voulu en avoir le cœur net l’autre soir, et j’ai réussi à alpaguer, juste là, Benoît Dehort pour lui proposer de boire un pot « en terrasse » juste à côté, afin […]