Lundi 15 septembre, c’est d’abord le château de Sceaux (Hauts-de-Seine) qui se dresse, majestueux – comme on dit – au bout de l’allée, mais l’expo Jean Fautrier , La pulsion du trait, n’a pas lieu (sauf pour une partie) en cet endroit mais dans « Le Petit château » qui se trouve presque dissimulé de l’autre côté du parc (on cherchera en vain une indication quelconque pour y parvenir), sa haute porte ouvrant directement sur la vieille ville.
Je me souviens des travaux qui étaient en cours il y a deux ans pour redonner au parc et à ses différents bassins une allure « royale » : il fallait que le trait et le dessin soient ordonnés.
Au rez-de-chaussée de la grande bâtisse, on parcourt les vastes salles avec quelques tableaux remarquables et une statue d’un jeune roi à cheval. Puis on grimpe à l’étage, les parquets sont astiqués, les porcelaines sous vitrines, un « piano forte » semble d’une minceur incroyable.
Et, au fond d’un couloir, voilà que l’on tombe nez à nez avec une tenture et un « cabinet » noirs, défendus par une pancarte qui nous ramène à l’exposition : ainsi l’érotisme de Jean Fautrier lié à l’illustration de deux livres de Georges Bataille, L’Alléluiah et Madame Edwarda, est-il ici soigneusement, prudemment, prudement, (si l’on ose ce néologisme), pudiquement, séparé de la manifestation en titre à laquelle les visiteurs non informés n’accèdent qu’en changeant de bâtiment et où, alors, cette pièce « aveugle », et comme rapportée sous le manteau, n’est pas du tout mentionnée (puisque l’expo officielle et son ticket d’entrée se trouvent uniquement dans « Le Petit château »).
(Le Festin de Didon et d’Enée)
(Agrandir les photos est possible.)
[ ☛ à suivre ]
l’érotisme se mérite…
mais ce que nous avons droit de voir, que vous montrez, n’est pas si mal
imaginons au surplus
@ brigetoun : c’est le principe (séparation de l’expo en deux endroits différents, dont l’un occulte l’autre) qui est choquant.
Bertrand de Sainte-Marie, le commissaire de l’expo, a peut-être craint des protestations d’associations de cathos purs et durs…
… et demain, vous accompagnez les mineurs que nous sommes
dans l’espace interdit ?
@ nanamarton : le suspense est là…
« Merci de ne pas s’asseoir », c’est génial, cette photo ! On pourrait l’utiliser pour des vases communicants (ou aussi des chaises communicantes) ! Ou alors analyser les nombreuses suggestions et nuances venant de ce « ne pas »… tout en gardant la double vision : d’un côté la cour des miracles quotidienne de la ville traversée par l’ensemble des tragédies humaines ; de l’autre côté ces merveilles si gentiment entretenues, qui font d’ailleurs une partie significative de l’image et de l’histoire de la France.
@ biscarrosse2012 : je te réponds tardivement car ton commentaire était resté coincé dans les « indésirables », je ne sais pour quelle obscure raison…
Il est vrai qu’il faut parfois s’asseoir sur les interdictions !
Fautrier n’est donc pas recommandé aux enfants de choeur à qui on n’hésite pas à montrer brutalement à la télé des horreurs de guerres, d’attentats ou d’accidents aux « heures de grande écoute »… à se demander si l’on est bien au XXIème siècle !
La sixième photo est plaisante ; doublement.
@ Francesca : Et sans parler de l’accès à Internet, comme dirait Finkielkraut…, enfer (et damnation) du stupre à la portée de tous ! 🙂
[La sixième photo est juste un petit bonjour à mes quelques lecteurs fidèles !!!]
Dernière photo, belle manière de nous mettre l’eau à la bouche.
@ Godart : mais c’est là que les interdictions commencent…
Oui, mais on espère que des mineur(e)s harcèlent les adultes pour faire un détour érotique. En cas de refus, ils pourront toujours noter mentalement le nom de l’artiste et aller pianoter sur Internet.
Si ça les entraîne finalement vers la lecture de Bataille et des pratiques amoureuses plus raffinées,.. bravo !
@ Francesca : finalement, l’interdit est utile !!!
Cet avertissement placardé de rouge juste en dessous des seins pulpeux de cette statue d’un blanc virginal, fait un contraste magnifique, qui plaît beaucoup à mon esprit rebelle !
J’attends les photos suivantes même si elles sortent du cabinet noir où les curiosités sont dissimulées, alors qu’elles font le sel de notre vie (et son miel aussi …)
@ mchristinegrimard : oui, le paradoxe est statufié !
Pour les photos suivantes, ce sera assez minimaliste (très petites illustrations) mais je ne veux rien dévoiler ici.
Ainsi le châtiment, pardon, le bâtiment, était bien dissimulé…
@ Dom A. : La tenture était passée à la teinture…
Donc, ce qui est érotique et interdit aux mineurs est autorisé sous l’oeil coquin du majeur…
@ lamaisondesmarguerites : le majeur joue son rôle imparti.
Jean Fautrier, La Jeune Fille, ou La Toute Jeune Fille, 1942 : un des plus beau tableaux de Fautrier. Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un instant…
Les dessins érotiques avaient été exposés en 1998 sans problème. Le public d’aujourd’hui est décomplexé. Ou alors, vouloir recréer l’atmosphère du cabinet noir, appelé aussi l’enfer, d’une bibliothèque des siècles passés ?
La superbe donation Fautrier : reléguée au placard, réclamons son exposition permanente à nouveau. À la place des assiettes de faïence.
Répondre
@ Alex : Fautrier a fait « donation », l’année de sa mort (1964) d’une partie de ses œuvres au musée départemental du domaine de Sceaux. Il est vrai que les assiettes de faïence, ou les gigantesques porcelaines que l’on peut apercevoir au rez-de-chaussée du château, ce n’était pas vraiment sa tasse de thé.
Comme vous le savez sans doute, une rétrospective dans trois villes du Japon a lieu depuis le mois de juillet jusqu’à décembre : il semble plus connu (ou reconnu) là-bas qu’ici.
Quant au « cabinet noir », je n’y ai pas aperçu, une fois passé de l’autre côté de la tenture, un seul mineur, accompagné ou pas ! 🙂
DH : merci de répondre aussi vite !
Fautrier a beaucoup influencé les peintres japonais dans les années 60 ; il a eu le grand prix de la Biennale de Tokyo en 1961.
Dans ses tableaux, le sujet flotte dans l’espace, cet espace magique et troublant, fondamental dans la peinture asiatique traditionnelle.
@ Alex : c’est vrai qu’il y a dans le trait ou l’espace dégagé quelque chose de japonais (peut-être même le papier utilisé !)… Merci pour cette remarque !
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