« Le Rimbaldien »

Le tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

La liste des participants et la gestion de l’exercice sont établies par Angèle Casanova.

Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’accueillir ici Françoise Gérard tandis qu’elle me reçoit, très amicalement, sur son blog Le vent qui souffle.

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Le Rimbaldien

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Eaux profondes, surface miroitante agitée de remous, petite houle, le quai est désert, aucun bateau dans le cadre de la photo, mystère des bords, 21-21, 321 jours que Le Rimbaldien est parti toutes voiles dehors sur des routes maritimes connues de lui seul, le capitaine est un aventurier hors norme, on le surnomme Arthur, seuls quelques vieux dans le port savent encore pourquoi… L’aurore aux doigts de rose attendrit le ciel au-dessus de la ville qui abrite les marins entre deux voyages. Les points lumineux qui ponctuent la ligne du quai d’en face vont bientôt s’éteindre, le jour se lève une fois de plus après la nuit. Entre les quais, la masse bleu sombre de l’océan exerce une force d’attraction irrésistible, pas besoin de sirènes, à moins que leur chant ne parvienne aux oreilles séduites sur une longueur d’onde normalement inaudible. L’océan attire les albatros en mal de mer, son dos rugueux fait glisser les coques sur l’écorce de la Terre-mère qui repousse ses enfants trop malheureux. L’appel du grand large rend les bateaux ivres. L’immensité du monde est promise à ceux qui osent s’écarter des quais. Le vent se lève d’un bout du monde à l’autre, il suffit de le laisser gonfler les voiles. Promesses ! Promesse du tout Autre ! L’éternité de l’instant attend celui ou celle qui se laisse éclabousser par les vagues de l’océan. Les flancs du bateau sont battus par les vagues au rythme des battements de cœur. L’eau est vive pour les vivants. Les souvenirs des noyés scintillent à la surface de l’écume qu’ils ont caressée. Les noyés nagent en compagnie des sirènes, ils sont les créateurs d’un monde nouveau. Le monde réel n’existe plus, ne reste que les possibles du monde rêvé, le ciel est frère de l’océan, et les âmes naviguent là-haut avec toute la bravoure des marins au long cours. Misère ! Misère ! Nous voulons fuir cette terre de misère ! Misère des corps, misère des cœurs, pauvres de nous, pauvres hères qui errons sur la terre… La mer et le ciel sont nos refuges, notre destin se lit en regardant les étoiles. Voyez ! Voyez cette étoile qui brille si fort au firmament ! Parole de voyant qui désire la richesse, à nulle autre pareille, des pierres précieuses du vide intersidéral, pierres angulaires de tous les rêves… 321 jours que Le Rimbaldien est parti, 321 jours qu’un enfant triste espère son retour en imaginant sa folle navigation. Les flaques laissées par la pluie ou n’importe quel récipient rempli d’eau figurent toutes les mers du monde. Les coques de noix qu’il sort de ses poches pour les faire glisser sur la surface étale affrontent les éléments quand les brindilles qu’il agite font des ronds dans l’eau. L’immense est devant lui dans le cercle d’une flaque…

texte : Françoise Gérard

photo : Dominique Hasselmann (Le Havre)

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15 réflexions sur “« Le Rimbaldien »

  1. […] à échanger avec lui sur le thème de l’immensité, tandis qu’il me reçoit sur son blog Métronomiques. Nous avions déjà participé ensemble aux vases communicants du 7 février 2014 sur le thème des […]

  2. « L’appel du grand large rend les bateaux ivres». Très beau texte, Françoise, superbe évocation qui transforme cette belle image de Dominique en lieu préféré pour y installer notre deuxième existence, pour y sublimer nos rêves. Un endroit qui évoque en soi la rupture, la séparation, le mythe de la mer (bonne ou méchante arbitre de tous les destins), qui devient « Terre-mère », un endroit où la conscience de nos limites d’humains (et le sentiment d’impuissance vis-à-vis de tout ce qui nous écrase) se marie toujours à la stupeur enfantine qui reste notre force irrépressible : « la mer et le ciel sont nos refuges, notre destin se lit en regardant les étoiles…» Vive le Rimbaldien !

  3. Alex dit :

    Partir à l’aube sur les flots bleus aux reflets roses, renaître dans le souffle parfumé du large…

  4. A reblogué ceci sur Le vent qui souffle et a ajouté:

    L’appel du grand large rend les bateaux ivres…

  5. Francesca dit :

    Plus encore que les avions, les bateaux nous soufflent l’envie de partir…Beau texte, Françoise et merci à Dominique de l’avoir accueilli.

  6. Toute la poésie profonde de la mer et de l’attente

  7. PdB dit :

    l’appel du large, ah oui…

  8. Je ne fait qu’une avec ce texte magnifique, moi, toi, la mer, les rêves :  » L’appel du grand large… La mer et le ciel sont nos refuges… » Merci Françoise !

  9. Merci à toi, Claudia, d’être venue me rejoindre sur Le Rimbaldien…

  10. […] « Le Rimbaldien » |… sur Immensité marine […]

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