Hier matin, je suis passé à nouveau rue Alibert (Paris, 10e), devant les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge où ont été assassinés, dans la soirée du 13 novembre, 15 personnes (parmi les 130 au total dénombrées vendredi, soit une semaine après ce jour fatal) et blessées nombre d’autres.
Ce carrefour avec la rue Bichat est devenu un lieu de pèlerinage, mais si je n’aime pas la ville de Lourdes avec ses supermarchés de bondieuseries, ici, il s’agit d’un impressionnant amas de fleurs – les bougies sont plutôt éteintes par la météo indifférente – qui s’étend en longueur et épaisseur comme si ces constructions éphémères pouvaient s’élever jusqu’au ciel.
Les fleurs et les pleurs sous la pluie : celle-ci apporte ses propres larmes – laissons les spécialistes en géopolitique, ou certains « philosophes » ou « écrivains » déZolants, à leur « expertise » sèche et forcément plus intelligente que celle des responsables au pouvoir – et les joint à celles qui coulent des visages des passants, à leurs gestes spontanés, anonymes, humbles, simples, symboliques, affectueux pour tous les inconnus (ou pas) fauchés ce jour-là par la barbarie des représentants de Daesh, organisation terroriste qui ne saurait bénéficier, avec son idéologie totalitaire et mortifère, d’aucune excuse ni rédemption.
J’ignore combien de temps ces deux espaces de convivialité, de bonne humeur, de joie de vivre et d’insouciance resteront fermés au public.
Nous avons soif d’y retourner mais jamais comme si de rien n’était.
(toutes les photos peuvent être agrandies.)
(Alain Bashung, La Nuit je mens)
un splendide tapis pour des souvenirs
que reste une trace pour que soient possibles les pensées à eux dédiées, mais que la vie revienne
@ brigetoun : la vie revient toujours pour les autres…
merci pour toutes ces images
@ lanlanhue : instants coupés…
Tristes dépouilles …vers « l’école » des enfances innocentes à retrouver
@ Arlette : en recherche.
Désolant : les services de renseignement servent aussi et surtout à prévoir les attentats, car malheureusement il y a aussi des fous, qui brûlent de tuer.
La Place de la République devenue un lieu de pèlerinage informel, c’est très émouvant et très beau.
@ Alex : on s’en passerait ! On a l’impression qu’elle a été refaite comme pour ça…
Vies fauchées, fleurs coupées…Et la pluie qui entretient le souvenir..
@ Anna Debée : difficile à laver…
Ah Bashung…!! j’adore (mais si, trop mal : mais non même pas mal, non…) merci pour les photos, le texte et la musique, et la musique…
@ PdB : merci à toi, cher ami du 11e… (l’incendie chez toi, un phénomène prémonitoire ?).
je suis bien d’accord avec toi sur les écrivains déZolants (Houellebecq aviné et imbibé de stupéfiants voulant se faire passer pour un écrivain penseur…), en revanche, Stiegler mérite mieux: ses analyses sont profondes et, à mes oreilles en tout cas, sonnent juste! (mieux en tout cas que ces imbéciles d’économistes dans l’émission éco de france Inter de ce matin qui dissertent doctement sur le fait de connaître l’impact des attentats sur la croissance… bien sûr que « la guerre » a toujours profité à la croissance)
@ alainlecomte : d’accord sur ta remarque concernant Stiegler mais son raisonnement sans une seule allusion aux victimes montre une certaine froideur.
Daesh, c’est aussi une idéologie, pas seulement des raisons qui expliquent son dévoloppement.
Je voulais vous envoyer, comme cela, un texte, trop long pour être un commentaire. Je ne trouve plus votre adresse e-mail sur votre site.
Merci pour votre blog qui dit bien l’air du temps.
@ Natacha S. : il vous suffit de cliquer sur la mention « About », juste sous la photo « bannière » du blog, et elle s’y trouve : dominique.hasselmann@orange.fr
Soif de mai
Du jour, vendredi 20 novembre 2015
L’automne dans ses voiles roses a été sommé de se rhabiller. Les fusils ont tiré dans Paris. La terreur des dingues, fous d’Allah ou de rien, a fauché 130 vies et fait plus de 300 blessés.
Il pleut. La nuit est venue au milieu de l’après-midi. Il ne fait pas bon être seul, dans la tristesse de ces temps bousculés. Si j’ai rencontré peu de monde, j’ai lu trop de conneries sur mon écran, n’arrivant pas à m’en détacher, gobant les informations sans pensée personnelle, ou presque. Et les bonnes nouvelles : un grand fabricant de jouets retire de son catalogue de Noël les armes de plastique, les kalachnikov joujoux…
Je n’ai pas écrit pendant une semaine. De peur de ne chercher qu’à me donner une contenance, j’ai laissé place au vide.
Nos écrans internet sont monstrueux, qui parlent de la mort et de l’horreur, entre deux publicités clignotantes, obscènes.
Plus laid encore que les terroristes, plus abject que les bombes : le lissage de nos intelligences.
Si j’habitais Paris, peut-être que je sortirais sur une place bien fréquentée où il y a des bancs. J’achèterais en passant deux ou trois bouteilles de vrai champagne (ou de Clairette de Die, c’est la fin du mois), j’apporterais dans un panier mes derniers verres de cristal, du pain et du pâté (du foie gras peut-être). Je serais Charlie, Christ ressuscité de la France éternelle : buvez-en tous, ceci est notre chair et notre sang. Non, je blague. À nos santés !
J’aimerais entendre de jeunes rires, être sûre que le goût de l’existence n’a pas viré au brûlé, que les rêves sont intacts.
Que sont vivantes nos soifs de mai.
@ Natacha S. : merci pour ce beau texte, je crois qu’il y a eu des partages de ce genre hier, même si le cœur n’y était pas vraiment !
Les gens, passants proches ou lointains des victimes, ont besoin d’exprimer leur désarroi par les fleurs ou les mots, mais ce tableau reprenant la photo de Doisneau ensanglantée résume à lui seul toute l’émotion qui nous étreint et nous unit. Merci de ce partage pour les provinciaux comme moi.
@ mchristinegrimard : merci à vous pour l’expression de ces sentiments.
Chacun désire en effet dire quelque chose et les simples brassées de fleurs ou les petits mots ou les idées artistiques se bousculent comme pour conjurer un sort si injuste…
Merci pour les photos et la musique. L’image du baiser qui saigne est géniale.
@ Pastelle : merci (vu seulement ce soir à cause d’une « rétention » du commentaire inexpliquée…- ! 🙂