Je la rencontre à certains coins de rues et elle me suit du regard. Mais bientôt je suis hors de portée de son attention et je vais voir ailleurs si elle y est. Sans le vouloir, je peux tomber à nouveau sur elle – les clones bougent moins que les drones – et sur le charme certain qui semble émaner de son attitude et qu’elle offre publiquement.
Un soir elle s’est détachée d’un mur et m’a embrassé furtivement sur la bouche, avant de se recoller sur sa surface de brique (c’était celle du pont tournant de la rue de la Grange-aux-Belles). Je me suis demandé si j’avais rêvé ou imaginé ce geste impossible, pourtant il me restait un goût de rouge à lèvres, avec un J comme Joie, que je humais et léchais avec gourmandise.
Pour éviter les attaques nocturnes contre des passants innocents, la mairie de Paris a décidé de nettoyer toute représentation figurative de cette demoiselle. On l’arrose, on l’arrache, on en fait des lambeaux, on la ratatine et on la fait disparaître sans remords ni regrets. Les rues sont nettement plus tranquilles depuis qu’elle en a été chassée.
Son créateur doit se ronger les ongles. Peut-être va-t-il relancer cet homme qui jouerait aussi au passe-muraille et qui viendrait effleurer d’une légère caresse les passantes du sans-souci ? Le papier se fait rare, il va falloir inventer de nouveaux supports : par exemple, des écrans incrustés dans les murs ou sur les trottoirs, ceux-ci ayant été presque épargnés jusqu’à présent par la publicité ou le « street art ».
L’imprévu des situations urbaines est toujours agréable. Des artistes pensent ainsi à égayer les paysages urbains, trop semblables, et dont le vert des poubelles a conquis l’espace au détriment des récipients discrets, datant d’époques disparues, et pourtant galvanisés.
Un sourire mural, un détachement spectral suffisent alors, tout simplement, à entretenir l’humeur vagabonde d’un preneur de vues occasionnel.
(photos prises les 15 et 16 juin. Cliquer pour agrandir.)
(Chet Baker, Almost Blue)
le street art remplaçant les affiches, la dernière idée du off et de la mairie d’Avignon (j’espère bien que les compagnies préfèreront l’anarchie)
et voilà que Paris fait la guerre à la douce dame
entrons dans un monde d’ordre froid (le voudraient du moins)
@ brigetoun : depuis un moment, elle résiste (sinon, je n’aurais pas pu la photographier !)…
🙂
Voyager au pays du bleu ou presque, sans doute le plus beau voyage 😉
@ gballand : qu’il soit petit ou grand…
Bleu au cœur
@colorsandpastels : bleu pictural…
Une coiffure improbable
des roses aguichantes
« Suivez-moi jeune homme. »
@ jeandler : l’improbable est sans doute le sel (ou la goutte) de la vie…
Se méfier du chant des sirènes au bord de l’eau…
Ceci dit, les artistes du streetart ont parfois beaucoup de talent et de générosité. Le fait que ces œuvres soient éphémères, ajoute à l’intérêt qu’on leur porte, heureusement que certains photographes attentifs sont là pour nous les montrer !
@ mchristinegrimard : celle-ci n’avait pas une queue de poisson ! Mais il est bien que l’on puisse (re)saisir ce qui sera un jour fatalemen détruit – comme tant d’autres choses… 🙂
Les vespasiennes ne sont plus ce qu’elles ont été.
@ Godard : oui, là c’est vraiment nul (il n’en reste qu’une seule « vraie » en face de la prison de la Santé « désaffectée »).
Voir cette photo permet de mesurer le gouffre qui existe entre les artistes de rue et les pauvres bougres qui torchent, vite fait, leurs gribouillis-déjections…
@ Francesca : il ne faut pas confondre en effet le « street art » avec les graffiti tracés n’importe comment à la bombe à peinture…
Un petit air des années 50 et de Charles Trenet se faufile dans vos promenades et dans vos rêves…
@ Désormière : Une sorte de passé « résiste » à Paris (rien à voir donc avec Charles Trénet !).
Je parlais seulement du « J comme joie » le slogan que Charles Trenet a inventé pour Bourjois.
@ Désormière : désolé, je n’ai pas pensé (puisque je l’ignorais) que Trénet s’était… embourgeoisé à ce point-là ! D.H.
Pour une fois, l’artiste a signé son œuvre.
@ Alex : l’œil expert ! La signature fait partie elle-même de l’œuvre d’art.
Comme la Seine, elle est fluide et se glisse en liberté, même contrôlée toujours résurgente, dans la ville. Quel heureux photographe celui qu’elle courtise !
@ renéthibaud : tous les passants sont ses désirs..
tou.te.s les passant.e.s voulez-vous dire… pour ajouter 2 octosyllabes en 1 (quoiqu’impurs) au vôtre, qui est parfait !
@ rené thibaud : je n’ai pas compté sur mes doigts ! 🙂
jolie musique en tous cas
@ PdB : sans conteste !…