Archives du 08/10/2016

« Moi et les autres petites personnes on voudrait savoir pourquoi on n’est pas dans le livre en plus c’est la première fois que je mets mes bras comme ça »

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C’est un livre étonnant, qui sort de la production courante ou rampante.

Je l’ai gagné grâce à la loterie (en direct) lancée par François Bon lors de la publication du numéro 19 de sa rubrique vidéo « Service de presse », le 29 septembre. Expédié par le grand manitou du tiers livre le samedi 1er octobre, il m’est parvenu le jeudi 6 : il est vrai qu’il a été acheminé comme « lettre verte » à 4,20 euros (quand même) : on pourrait imaginer que la Poste lance bientôt un tarif « écolo + » à 1 centime d’euro pour arrivée du colis un an plus tard.

Le titre de l’ouvrage de Perrine Rouillon est plutôt long : Moi et les autres petites personnes on voudrait savoir pourquoi on n’est pas dans le livre en plus c’est la première fois que je mets mes bras comme ça, un peu à l’image inversée des dessins presque microscopiques et des formules, échanges, dialogues ou réflexions émises par les « acteurs » qui animent les pages non numérotées et même blanches à la fin, comme une invitation à continuer soi-même la saga fourmillante que l’on parcourt avec étonnement, amusement, complicité, sans masquer l’émotion esthétique ressentie.

Au-delà des situations multiples nées de la rencontre du dessin avec la surface où il est accueilli dans un vaste espace (« hi hi, arrête ! tu me chatouilles avec ta plume »), les « petites personnes » en noir sur blanc parcourent l’univers du livre comme si c’était celui du monde (certes rectangulaire) avec une des seules possibilités qui le sauvent – la création.

« Je ne fais aucun tri dans ce que je veux faire passer comme si je possédais un instrument total : une écriture à la fois romanesque, théâtrale, philosophique, poétique à travers laquelle je peux tout dire… », remarque un personnage, avant de conclure : « Alors que ce que j’ai, c’est une guimbarde. »

Le dessin est donc écriture, l’écriture est dessin (calligraphie retrouvée), les deux ne font qu’un en ce lieu : encre de Chine, situations chinées au hasard d’une imagination délivrée des carcans du « roman » avec ses paragraphes, l’histoire à raconter avec un début et une fin (la chute attendue), les hommes et les femmes pris dans les tourments de la passion au milieu d’événements plus ou moins apocalyptiques, etc. L’invention sort ici dactylographiée au plus près des sujets esquissés.

Alors, admirons et regardons Perrine Rouillon tracer avec liberté grande ses petits bonhommes de chemin : ils vivent leur vie, on tourne les pages comme les jours, la fantaisie règne absolument et c’est le bonheur d’un livre qui passe sur la pointe des signes.

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perrine-rouillon3_dh(toutes les photos sont agrandissables.)

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Éditions Thierry Marchaisse, 2016, 19 €.

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