Atelier d’écriture N°5 de François Bon intitulé « du lieu, 5 | le texte escalier » : ma contribution, parmi d’autres, a été publiée le 25 février dernier sur le site du tiers livre.
J’ai le plaisir de la reproduire ci-dessous.
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Il s’enroule dans le colimaçon et, degré par degré, le voyageur mobile grimpe comme s’il s’agissait d’un chemin de croix mais sans rien porter sur l’épaule, l’élévation est dans le mouvement lui-même non dans le but, il s’agit d’une sorte de puits vertical ou avec un pendule et que l’on espère toujours ainsi, les marches succèdent à la marche, il faut parvenir en haut de « The Watch Tower », le phare qui ouvre son œil de cyclope par intermittences tandis que les vagues viennent le défier avec insolence sur un rythme régulier et sans fin, les éclats du feu tourbillonnent dans le noir mais Fresnel garde une gloire immortelle, le voyageur progresse dans ce fût de pierre, dans ce donjon maritime, les mollets durcissent, la petite rampe court comme un furet sur le mur de gauche, elle guide les pas et l’envie et le désir, elle l’attrape par la main et lui montre le chemin dans le soir qui s’esclaffe sur cet escalier qui se dérobe, dans le vent qui claque et caresse en même temps au-dehors et au-dedans, le voyageur sans bagage visite la demeure d’un gardien d’autrefois, l’automatisme n’existe pas encore, il n’y a pas non plus d’ascenseur ici (d’ailleurs il présenterait une forme cylindrique), l’escalier serait alors une sorte de pédagogie de l’escalade, en attendant la descente libérée, un exercice pour escholier, une « volée » de marches difficiles à monter quatre à quatre quand on se lasse de les compter, vingt, quarante, soixante, quatre-vingt, et on se trompe peut-être, et puis enfin l’arrivée sur la plateforme tout en haut pareille à une récompense horizontale et ce regard panoramique sur le vieil océan vert et blanc, plutôt calme ces jours-ci, préparant peut-être un de ces « coups de vent » comme il en détient le secret, le voyageur a bien compté, c’était au total plus que « Seven Steps To Heaven » de Miles Davis, même si la musique des anges planait dans l’infini qui nous surplombe, perçant les nuages violets qui avaient bénéficié d’une pause.
DOMINIQUE HASSELMANN *
(Environs de Port-Saint-Louis-du-Rhône, 29.7.2015. Cliquer pour agrandir.)
découvre la photo au ciel dynamique, retrouve avec plaisir le texte
@ brigetoun : elle était déjà parue, c’est comme ça que j’ai pu la retrouver ! 🙂
Plaisir de la visite sous un ciel pareil !
@ mchristinegrimard : vous avez également enfreint la règle, cette fois-ci, de l’absence d’illustration (mais pas pour les blogs, semble-t-il) concernant l’Atelier n°5… 🙂
L’élévation pédagogique, il faudrait proposer ça à « nos » candidats !
Un texte où les rythmes alternent. Une réussite.
@ gballand : il est sûr que la « solidarité » invoquée n’est pas vraiment à l’œuvre de la part de certains d’entre eux… Merci pour votre remarque finale ! 🙂
Au plus près du bleu et des nuages (ma fille a fait les 333 marches de la cathédrale de Strasbourg)
@ colorsandpastels : certains phares sont des cathédrales en modèle réduit… 🙂
Je me souviens aussi des… 365 marches d’accès au clocher de la cathédrale d’Albi.
@ Francesca : qui dit mieux ? 🙂
Merci pour ce beau texte, cher Dominique.
Oui, en gravissant ces marches pénibles, tout en se demandant pourquoi le mot grave dans gravir, on imagine la vie et les pensées très particulières de ces jeunes gardiens de phares.
@ Alex : merci à vous.
« grave » : si l’on tombe… 🙂