(Paris, rue Bichat, 10e, 6 mars. Cliquer pour agrandir.)
L’échafaud n’est pas hors d’âge. Il s’agit de redonner plus de visibilité à l’ancrage (ou l’encrage) dans la peau qui est la marque de fabrique de cette boutique avec immeuble à ravaler.
Après tout, le tattoo se porte bien, il a quitté, sur ses courtes pattes et sa lourde carapace, ses contrées lointaines pour venir se poser à même la peau de qui veut transformer son corps en œuvre d’art (croit-on souvent) exposée, publiquement ou non, avec un dessin ou la simple inscription d’un nom – « À Josy pour la vie », c’est l’amoureux, ou d’une formule « Hors les murs ! », pour le prisonnier… – qui demeurera, en principe, indélébile, voire débile, pendant toute la vie.
L’art du tattoo est à tu et à toi : les serveurs de cafés, les sportifs, les chanteurs, les acteurs, les hommes ou les femmes politiques (pourquoi pas ?) en sont couverts, de la tête aux pieds, tels des Maoris ou des Yakuzas en goguette.
Durant la seconde guerre mondiale, dans les camps de concentration nazis et polonais, l’usage du tatouage a laissé des traces dans la mémoire de ceux, rescapés, qui n’avaient pas lu les œuvres complètes du sinistre « professeur » Robert Faurisson et ont ressenti à jamais dans leur chair cette incision totalitaire.
George Orwell y avait-il pensé ? La mention littéraire de ce « marquage » physique resterait à vérifier – la gravure mentale effectuée par le pouvoir dans les esprits sans défense étant la plus facile à effectuer – tant que l’on peut encore trouver librement ses livres prémonitoires, avant de devoir peut-être un jour se les prêter en catimini ou les apprendre par cœur.
(Miles Davis, Ascenseur pour l’échafaud)
une coquetterie indélébile (me demande ce que ça donne sur une vieille peau)
@ brigetoun : des prisonniers purgeant de longues peines doivent encore en avoir sur eux (ils n’ont pas pu les déposer au greffe) et les trimballer jusqu’à perpète… 🙂
j’ai promis de déshériter ma fille si elle cédait à son envie de se faire dessiner dessus : tous mes dessins seront pour l’asile pour chiens, je t’ai créée parfaite, pas touche ! mais bon elle est majeure…
@ colorsandpastels : c’est un choix et (sauf si décalcomanie) qu’il faut assumer. Pour le moment, ce n’est pas encore interdit mais Madame Buzyn va sans doute réfléchir à la question. Et puis, avec le temps… 🙂
La notice wikipedia de Faurisson est particulièrement fournie et instructive. Tu as bien fait d’y renvoyer! Triste sire…
@ alainlecomte : il va falloir qu’il s’habitue à dire « Renouveau national » (mais pour lui, le « Front national » n’a sans doute jamais existé non plus !), si cette nouvelle dénomination très originale tient le coup… 🙂
En Asie, dans le Pacifique, les tatouages ont un sens. Au Japon, les filles de joie se faisaient tatouer entièrement le dos, des œuvres d’art sublimes.
Mais ces tatouages gratuits qui n’ont aucun sens et dus uniquement au caprice (et au mauvais goût), je les trouve stupides. Rassurez-vous, on peut les enlever.
Au bord de la mer, j’ai observé que les tatoués exhibent aussi un petit cerveau sans cervelle.
@ Alex : tant que le cerveau n’est pas tatoué par des mains (ou une sorte de Big Brother) indésirables… 🙂
Il y en a qui veulent être marqués à vie, la mémoire ne suffit pas pour eux 😉
Merci pour l’ascenseur, je le prends, mais pas pour l’échafaud !
@ gballand : seule sa musique ne grince pas, si sa lame est sérieusement émoussée (en France, notamment !)… 🙂
Les tatouages traditionnels n’utilisaient pas les mêmes produits ni la même méthode d’inoculation, les conséquences étaient moins marquées qu’aujourd’hui.
Quid des conséquences médicales, allergies, migration de produit vers des organes internes, effet de perturbation endocrinienne et autre cancers de la peau ?
Mieux vaut ne pas s’étendre sur le sujet. Les modes passent et les conséquences restent… Quant à les faire disparaître lorsque le vent a tourné, ce n’est jamais totalement le cas. Ce sont souvent les mêmes qui pestent sur la pollution atmosphérique de la circulation automobile ou le glyphosate…
Après tout, on est tous libres de choisir son propre chemin vers la mort.
@ mchristinegrimard : Le jour où on s’aperçoit que le prénom inscrit dans la peau ne convient plus, il reste le laser. Bonjour l’opération (et les autres dégâts médicaux éventuels avant) !
Un truc marrant : pour faire « mode », dans une série télévisée aperçue il y a quelque temps, on voit un flic en civil arborer un tatouage sur le torse et qui dépasse du col de son tee-shirt, lui montant jusqu’au cou.
C’est vrai que ça rappelle l’époque des malfrats, mais on ne se focalise que sur ce détail « décoratif » – hélas, tout le monde n’est pas un cinéaste du nom de Jacques Becker. 🙂
(Ah Jeanne Moreau et Maurice Ronet – hein)
@ PdB : comment as-tu deviné ? 🙂