(Paris, quai de Valmy 10e, 29.8.18.)
Quand j’ai pris mercredi dernier cette photo, j’ai pensé au titre d’un livre de Schopenhauer : Le Monde comme volonté et comme représentation, assez mystérieux mais sans doute encore plus si on essaie de le lire en allemand.
Ce mot « volontaire » était projeté dans le bois d’un banc – l’un de ceux à Paris qui ne sont pas encore saucissonnés par des arceaux de fer anti-SDF – comme un ordre, un projet, une espérance, une échappatoire, un idéal ou une perte.
Un cycliste passait au bon moment, sur ces nouveaux Vélib’ d’un vert acide, promenant fièrement comme une figure de proue son panier en plastique.
Je repensais ensuite à un autre livre que j’ai retrouvé dans ma bibliothèque : Le Désir d’éternité, de Ferdinand Alquié (PUF, 1963), avec ce merveilleux quadrige (et son aurige) en frontispice au-dessus du nom de l’éditeur.
Au hasard, j’en recopie un extrait (page 134) :
« L’attitude esthétique apparaîtra pourtant comme nettement passionnelle si on la compare à l’attitude morale. Sans doute faut-il, pour être moral, croire à l’éternité des valeurs, et ne pas accepter tout ce que le changement concret du temps nous apporte. Mais, les valeurs auxquelles nous croyons, il ne s’agit plus d’en contempler l’imaginaire réalisation dans la beauté d’un spectacle, d’attendre de quelque miracle ou de quelque mirage leur réalisation effective. Cette réalisation, c’est nous-mêmes qui devons l’opérer, dès ce monde et en ce monde. Nous devons imposer les valeurs au concret réel et au futur. Le mouvement moral s’effectue de l’universel au particulier, et de l’éternel au temporel : il est action pure. »
(photos : cliquer pour agrandir.)
(Luigi Nono, Sofferte onde serene, 1976, Markus Hinterhaüser piano)
un beau mot vouloir oui.. et la méditation qu’il emporte
(et puis oui il n’y a de morale qu’en acte, de morale que muette et intérieure, le reste c’est le moralisme, l’horrible société actuelle).
@ brigetoun : merci pour votre commentaire, je me suis juste amusé à « philosopher » un peu à partir de cette photo… 🙂
Merveilleuse collection, avec son logo d’un aurige malmenant son équipage d’un train d’enfer…je garde pieusement la mienne…merveilleuse librairie PUF, très classe, très propre, (l’inverse de la pagaille de celle de Gilbert un peu plus loin)…j’adorais en sortant des cours aller y respirer son parfum d’élitisme…je me sentais peu de choses au milieu des livres, si bien présentés, de tous ces grands hommes…
@ Alex : oui mais Gibert n’a jamais été éditeur… 🙂
Beau texte de rentrée de classe de philo !
On aurait voulu que les vacances se prolongent un peu, mais la volonté n’est pas toujours souveraine…
@ mchristinegrimard : la volonté se heurte parfois à la marée, il faut donc quitter la plage, la volonté sur l’épaule… 🙂
Pas lu Alquié, mais emballée par le petit quadrige de cette collection.
@ Francesca : sa « Philosophie du surréalisme » mérite aussi la lecture ! 🙂
Magnifique ! Cette citation devrait apparaître sur tous les écrans télé au moment des infos et les remplacer, sur toutes les chaînes, faire la une de tous les journaux. Et pas seulement un jour, mais chaque jour. Pendant le temps qu’il faudra. Ceci dit sans aucun esprit révolutionnaire et précisément sans Ya qu’à. Cela éviterait les commentaires à l’infini sur une phrase, sur l’inattendu. Et peut-être permettre (oui, je dis : peut-être) qu’ensuite une réflexion sur les véritables problèmes d’ici et du monde, précède l’action. Je rêve.
@ Désormière : Alquié savait être altier…
Vive le rêve ! 🙂
Le désir d’éternité…pas pour moi en ce monde…désir d’un monde moins prévisible…et plus tendre
@ tartaglia : Non, il s’agit plutôt dans ce livre de l’analyse – et de la déconstruction – de ce concept : « Le refus affectif du temps et l’illusion de l’éternité », titre de la première partie… 🙂
« mouvement moral action pure » on aimerait tant y croire – il y a un peu de solitude je trouve… allons, courage (musique idoine: merci)
@ PCH : ce n’est pas un manifeste communiste… 🙂
Citation inspirante. Je viens faire un tour. Suis si occupée que je n’ai plus le temps de la flânerie blogueuse
@ Zoë Lucider : merci pour ton passage ! 🙂