Dès l’entrée, la Scala de Milan brille de cent mille feux. La foule des grands jours se presse pour la première mondiale de l’opéra de Gyögy Kurtág, d’après la pièce de théâtre de Samuel Beckett, Fin de Partie.
On savait déjà, par un article du New York Times paru le 7 novembre, qu’il ne serait vraisemblablement pas présent et resterait en Hongrie, alors que le Premier ministre de ce pays fait le déplacement – on doute pourtant qu’il soit un mélomane averti – pour voir et entendre ici la production de ce compatriote.
La salle ressemble à une immense bonbonnière rouge et or : les loges s’étagent dans les hauteurs à n’en plus finir.
Mais les lumières finissent par s’éteindre, le spectacle commence… Sur la scène, une simple maison, deux barrils contenant deux personnages dont seule les têtes émergent, un homme qui grimpe sur une échelle, un autre en fauteuil roulant.
Beckett est lancé dans son imagination où la réalité rejoint l’absurde, l’asynchronisme des dialogues, le concret métaphysique. Et c’est ici que la musique de Kurtág non seulement « accompagne » ces tirades et envolées baroques, étranges, humaines, mais les porte, les tourne et retourne, les élève, les scande, les contredit ou les exalte, les enchante ou les tient dans ses pinces de fer.
Le compositeur accorde, dans son harmonie personnelle, une dimension autre, irréaliste, dans un phrasé qui n’est pas un redoublement mais une vision musicale – il faut oser le dire – hors normes, hors syntaxe, hors système. Beckett en est transfiguré, il aurait aimé sûrement cette sidérante création (mise en scène par Pierre Audi, orchestre de la Scala de Milan dirigé par Markus Stenz).
Quand les lumières reviennent, les applaudissements, durant huit minutes, pleuvent depuis tous les balcons et loges jusqu’au parterre.
Dans le hall, des équipes de télévision se pressent pour filmer Viktor Orbán (le Premier ministre italien devait avoir reçu aussi une invitation) et d’autres personnalités.
Ce chef-d’œuvre de Kurtág sera repris en mars 2019 à Amsterdam et plus tard à Paris, lors de la réouverture du Théâtre du Châtelet.
(photos : cliquer pour agrandir.)
(Un autre Kurtág : Jelek (extraits), altiste : Odile Auboin.)
[ ☛ à suivre ]
Magnifique en tous points !
@ mchristinegrimard : merci pour l’appréciation et la patience ! 🙂
merci pour Jelek
que le Châtelet ne tarde pas trop à renaître (faire le voyage ? 🙂
dommage qu’il n’y ait pas eu dans un coin la petite silhouette du compositeur, quant au premier ministre… bon l’empressement créait zone vide où se tenir
@ brigetoun : le compositeur a écouté la retransmission à la radio… 🙂
Belle aventure Merci dans le feu de l’action
@ Arlette A : à voir et à entendre… 🙂
Magnifique partage…
@ Alex : oui, encore du rouge plein les yeux ! (et pas besoin de sérum physiologique)… 🙂
Une salle impressionnante. Y aller un jour, donc…
@ gballand : Si !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 🙂
Quelle journée que ce 15 novembre ! Y’a de ces veinards… 😉
@ colorsandpastels : bien remplie… merci ! 🙂
Très curieuse de voir/entendre la reprise à Paris…
@ Francesca : dès que la restauration du Châtelet sera terminée (fin 2019 ou en 2020)… 🙂
Il suffisait de (quand même) || Vous l’avez fait || Maintenant quand vous écouterez du Kurtág il y aura toujours cette soirée à s’y mêler
@ tartaglia : idem pour Boulez et la Cité de la musique à Paris avant que ne sorte de terre la Philharmonie… 🙂
Superbe!
@ Christian : merci à vous ! 🙂
Depuis quelques jours, nous étions tels des chiens truffiers sentant la proximité d’une pépite. Pas de déception, images et commentaire d’exceptions. Sans aucune doute un moment hors du temps qui resté gravé dans la mémoire d’une vie, la pépite est là.
@ Godart : Je n’ai pas mis l’opéra lui-même en lien, malgré la tentative avortée d’un petit malin qui avait dû filmer la représentation en catimini et l’avait diffusée dès le lendemain sur YouTube.
Il faudra donc attendre encore…
Merci pour votre commentaire ! 🙂
Orban à la Scala, c’est un peu comme de la pourriture en écrin (désolé) (l’écrin est magnifique, certes)
@ PdB : la raison « compatriotique » (au sens « identitaire » du terme) l’a sûrement emporté sur d’autres arguments.
Mais je n’étais pas dans sa loge ni chargé de filtrer les entrées ! 🙂
Jolie boite à calendrier de l’avent, dans la collection Rouge et Or !
blague à part, merci pour la musique !
@ carnetsparessuex : avanti la musica ! 🙂
Sûrement une belle expérience. Merci pour l’extrait 👍🏼
@ sylvielsgourgues : l’opéra lui-même est d’une grande ampleur… mais n’est pas reproductible ici, hélas ! 🙂