(Paris, avenue Richerand, 10e, 12 avril. Agrandir)
Cette voiture, que je baptisais OrniCar (Objet roulant non identifié), m’intriguait car c’était la première que je remarquais avec un tel dispositif apparent. Non, ce n’était pas un des véhicules Google (dûment siglés et repérés à maintes reprises ici ou là, encore récemment dans Paris), chargé de cartographier les rues avec des passants transformés en zombies pour sembler respecter un tant soit peu une sorte de « discrétion humaine » – comme si un paysage, une maison, un magasin n’était pas aussi parlants et révélateurs qu’un simple individu se promenant tranquillement.
Je me demandais si ce n’était pas l’un de ces systèmes mobiles (on distingue une mention Matra sur l’engin panoptique) chargés de relever les plaques d’immatriculation des automobiles qui stationneraient plus que le temps imparti : il suffit de passer et repasser plusieurs fois. Et dans ce cas, il s’agirait alors de « coopérer » (on ne choisit pas Cooper pour rien) avec la Mairie de Paris ?
Au gré de mes hypothèses, je repensais à un livre de l’américaine Soshanna Zuboff, The Age of Capitalism Surveillance (janvier 2019, éditions Zulma, octobre 2020). Peut-être ce genre de « mobilité douce » (surtout à l’arrêt) était-il destiné à nous photographier et filmer sans filtre, sans floutage ni filoutage, afin de nous intégrer dans une immense base de données qui, grâce à la « reconnaissance faciale » et à « l’intelligence artificielle » (sic) permettrait à toute instance de pouvoir (policier, judiciaire, sanitaire, vacataire, etc.) de nous garder ainsi au chaud, à sa botte… au cas où !
Mais ma paranoïa suspecte avait été captée : j’entendais déjà au loin une sirène de police, dans le style des films policiers US (jamais je n’aurais dû prendre ces deux photos, et sans masquer la plaque d’immatriculation voire la marque très « mini » du véhicule…) qui se rapprochait : une 5008 Peugeot, avec sa couleur de rat des villes, apparaissait à l’autre bout de l’avenue, elle quittait le long du canal pour tourner à droite, et ses feux bleus clignotant intégrés dans la calandre, en plus du plat gyrophare de toit, m’en mettaient plein les mirettes.
Après, je ne me souviens plus de rien.
Maintenant, par la fenêtre grillagée de ma chambre « sécurisée » de l’hôpital Sainte-Anne, j’aperçois un triangle de ciel bleu où volettent quelques nuages libres comme l’air.