(Paris, Théâtre du Châtelet, 13 juillet. Agrandir.)
Mardi soir, ce fut l’éblouissement (si l’audition peut être aveuglée), avec le spectacle présenté, le dernier jour, des Variations Goldberg BWV 988 de Jean Sébastien Bach interprétées au Théâtre du Châtelet par Anne Teresa De Keersmaeker (chorégraphie et danse) avec le pianiste Pavel Kolesnikov.
Cette œuvre de Bach est éminemment virevoltante, brillante et mélancolique, labyrinthique, et ne pouvait échapper à celle qui a su conjuguer depuis longtemps chorégraphie et musique, gestes et sons, élans et modulations, dans une alliance, un alliage au plus haut point d’incandescence.
Elle-même occupant toute la scène par ses courses, ses cabrioles, ses suspensions du mouvement lancé, ses bras comme des faux de paysan, ses jambes comme des exploratrices, ses mains désignant le chemin, tout son corps jeté en harmonie avec les notes du piano – qui sonnait admirablement sous les doigts fins, sensibles et forts quand il le fallait, de Pavel Kolesnikov – Anne Teresa De Keersmaeker se donnait ainsi toute aux Variations, « variant » elle-même (tout le monde portait un masque dans la salle joliment rénovée du Châtelet) de toutes les manières ce qu’elle ressentait au travers de son corps mobile et immobile, jonglant sans redondance avec les exquises avancées, percées, découvertes du musicien allemand, non pas comme dans un accompagnement mais bien un « compagnonnage » amoureux, une aventure mutuelle le temps d’une représentation où le rouge et le noir fusionnaient dans une sorte de mystère à la fois mystique et païen, tandis qu’une lumière jaune venue d’ailleurs installait durant un moment une sorte de paradis d’obscurité.
La danse apparaît alors ici dans toute sa beauté : l’invention, l’improvisation, la création, la mise en valeur du corps- à-corps avec un autre art, aussi évanescent qu’imposant, la musique de Bach – il n’y aurait donc pas que Glenn Gould pour en transmettre le sublime message… – et dans ce que cette rencontre au présent recèle d’incroyablement indicible.
(Jean Sébastien Bach, Variations Goldberg BWV 988, extrait, par Pavel Kolesnikov)
ah oui ! vous envie (et me demande si c’est bien sur cette variation que l’ai vue danser, seule aussi, sur le plateau du palais il y a quelques années… souvenir merveilleux)
@ brigetoun : Il y a des chances puisqu’elle a été souvent à Avignon (j’ai vu plusieurs spectacles qu’elle avait montés là-bas…) ! 🙂
Terrible déception d’avoir manqué ce spectacle…Alors merci mille fois de nous l’avoir fait partager avec cet enthousiasme.
Hier, Glenn Gould a joué les Variations chez moi, mais pas de visuel !
@ Francesca : tu peux le voir sur YouTube, pourtant ! 🙂
Bienheureux Parisiens…
Chez nous, le référent culturel unique et célébré est Auguste Escoffier, inventeur de la pêche Melba, ce qui n’est pas rien somme toute ! 🍑
Si Glenn Gould a gravé pour l’éternité ses Goldberg 1981, j’ai découvert récemment une jeune italienne, Béatrice Rana, qui les joue divinement…
Enfin, des bravos à la Ballerine dont j’ai peine à croire qu’elle ait pu danser et improviser sur la longueur des Goldberg… 🎆
@ Jean-PIerre : la « Ballerine », c’est Anne Teresa De Keersmaeker elle-même.
Il y a eu juste une sorte d’entracte de cinq minutes (changement de décor) durant les deux heures de danse quasiment ininterrompue (le temps peut-être de déguster une pêche – pour la garder – en coulisses !). 🙂
Ton enthousiasme est communicatif, beau texte (vive les déconfinements). Il ne devait pas y avoir beaucoup d’antivax dans le public, mais plutôt quelques Nuit debout (applaudissements) 🙂
@ Dominique AUTROU : Non, les anti-vax sont sans doute des anti-Bach ! Et les Nuit debout attendent, en majorité, les prochains Nocturnes de Chopin… 🙂
Merci pour ce voyage au royaume de la musique, de la danse et du théâtre où notre vue et notre ouïe on fait une belle chorégraphie 😉
@ gballand : merci ! Premier spectacle depuis le dernier couvre-feu : ceux de la rampe sont incomparables !:-)
c’est joli ce petit tas d’or à côté du piano dis donc…
@ PdB : c’est un genre de couverture de survie qui s’éclaire puis s’éteint au cours du déroulé musical et dansant… 🙂
quelle chance ! et quelle bonne idée cette association
@ colorsandpastels : association Loi 1901… 🙂