Dans son dernier film, Sorry We Missed You (petit mot laissé par les livreurs n’ayant pas réussi à trouver leurs destinataires), Ken Loach n’y va pas par quatre chemins. Après celui de la recherche d’un emploi (Moi, Daniel Blake, 2016), c’est au système d’« ubérisation » de la société que le cinéaste s’attaque caméra en tête.
Boulot précaire (le personnage principal travaille dans une société de livraison de colis où tout est chronométré, enregistré, pénalisé si délais ou résultats pas tenus ou obtenus, tandis que sa femme prodigue des soins à domicile), cadences infernales, incidents permanents, le tout lié aux problèmes familiaux (le fils, petit « primo-délinquant »), cerise sur un gâteau déjà rassis.
Le scénario est carré, les plans sont fixes – rien à attendre d’eux dans une optique « esthétique » – et les dialogues proférés de manière convaincante par les acteurs (Chris Hitchen et Debbie Honeywood) avec l’accent local de Newcastle.
C’est un film efficace qui déroule sa pelote piquante (au sens de meurtrissure), constat politique sans fioritures d’une société libérale où la devise pourrait être, comme pour d’autres boîtes d’origine américaine de livraison type Amazon (les drones vont remplacer les esclaves roulants) ou de taxis anonymes : « Uber Alles ».
Il est vrai que l’histoire racontée comme un documentaire par Ken Loach ne fait pas vraiment rêver : mais il faut sans doute payer plus cher ou chercher ailleurs pour être emporté dans les nimbes d’un pur paradis de l’art.