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Au sein de l’étoile

 (Ci-dessous, un texte pour L’Agenda ironique de janvier sous la houlette de

Carnets Paresseux, destiné au blog de Lyssamara,

écrit et publié le 5 janvier.)

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Tandis que les autres demeuraient silencieux, il se mit à aller et venir, fouillant dans tous les tiroirs. Malgré le bric-à-brac qui semblait régner dans les pièces de l’appartement, une commode ancienne attira son regard. Il avait remarqué que ses collègues, avec leurs brassards « Police », étaient passés devant elle sans y prêter la moindre attention. Nul besoin de clé pour ouvrir le meuble qui semblait lui proposer une invitation à la découverte.

C’était le moment d’étendre les investigations : une perquisition devait toujours se dérouler selon un processus précis et, in fine, le galet de la Justice pèserait plus dans le plateau que la plume d’un greffier. Parmi les quelques objets qu’il examinait, un grand livre à la tranche épaisse et dorée retint son attention : son titre Odyssée d’une céphéide, le nom de l’auteur, un certain Jules Lempire, l’éditeur « Odéon, Paris, 1892 », tout donnait à penser qu’il s’agissait d’un ouvrage historique ou de science-fiction racontant l’exploration d’une de ces étoiles mystérieuses plus grandes et tellement plus brillantes que notre pauvre soleil.

Contrairement à toute déontologie, et faisant carrément fi du Code pénal, il s’empara de l’ouvrage qu’il mit subrepticement dans la sacoche noire qu’il portait en bandoulière. Il se sentait presque dans la peau d’un sicaire – il lui restait pourtant à toucher les gages que cet acte pourrait lui rapporter, puisque cela lui avait été commandé lors d’un « deal », passé une semaine auparavant à L’Annexe, 5 boulevard du Palais à Paris, avec un interlocuteur normalement masqué.

L’intervention policière s’achevait, on remontait dans les deux voitures banalisées avec comme résultat de la « pêche » deux ordinateurs et quelques cartons. Tel un ange, donc innocent et transparent, il s’installa à la place du mort dans le premier véhicule. Il était temps de se revancher par rapport au propriétaire de cette habitation chic, un avocat célèbre défendant les truands et particulièrement les caïds du trafic de drogue.

Le soir, il quitta le Quai des Orfèvres, où quelques bureaux avaient été conservés par le ministère de l’Intérieur, héla un taxi pour rentrer chez lui (il habitait à Montreuil mais n’aimait pas emprunter le métro à cause de la faune présente et de la flore manquante). La nuit était tombée dès 17h30, il aperçut une étoile par la vitre de la Toyota hybride, et il pensa au livre qu’il avait gardé avec lui.

Une fois parvenu dans son appartement, il ouvrit la sacoche, sortit l’ouvrage : c’était un faux livre, juste un emballage fort bien imité. Au sein de l’étoile se présentait un grand sachet de poudre blanche, il y en avait bien pour un kilo. « Je m’attache très facilement », se dit-il soudain. Il s’était étonné d’emblée du poids de l’astre mais n’y avait plus pensé. Bingo ! Revif ! La journée se terminait en beauté !

Il ouvrit une bouteille de J & B, s’en versa un grand verre et posa sur sa platine un vieux 33 tours du Velvet Underground. Il aimait tant ce morceau, Heroin, chanté par Lou Reed.

Dominique Hasselmann

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