Archives du 14/04/2024

Lecture à la rame

Rame 11.4.24_DH

(Paris, 11 avril. Cliquer.)

Dans le labyrinthe étroit, le serpent mécanique mime les mouvements, les déplacements, les incohérences, les soubassements, les embrasements, les sons de basse. Les rails ramènent parfois à l’air, à la lumière, au soleil ou à la pluie : à des éléments naturels qui avaient été obturés, effacés, masqués, écartés durant un trajet stationnaire. La stridence des roues dans les virages, le frôlement des tunnels, l’arrêt pendulaire devant les quais, comme un soupir de répit, et puis le redémarrage avec cette sirène redondante, le convoi reprend alors sa route aveugle (soit il y a un conducteur à peine entrevu, soit il n’y en a pas) et tous les passagers regardent les écrans de leurs smartphones. Dorénavant, plus personne ne déplie ou déploie un journal en papier, les utilisateurs de bouquins sont rares, il faut donc imposer leur lecture obligatoire d’une demi-heure par jour – décision gouvernementale à venir – dans le métro, dans les trains, dans les voitures ou sur les trottinettes et vélos (pour les passagers parfois clandestins). Quant à la pratique chez soi des livres, les caméras de surveillance (NatVidéhome®️) installées sans exception dans tous les appartements, les maisons, les hôtels et divers lieux de vie et reliées au ministère de l’Intérieur – grâce à un système arachnéen sophistiqué digne de la « start-up nation » française – permettront de faire appliquer la mesure tout en vérifiant, par la même occasion, que toutes les autres activités domestiques des citoyens, diurnes ou nocturnes, s’exercent bien dans le strict respect des lois démocratiques.

(Ibrahim Maalouf, Essentielles)

D.H.

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