Après une douche rapide – parfois j’aime me regarder dans le miroir, mes yeux : on les dit verts ou bleus selon ce que je mets sur moi, mes cheveux : blonds mais ils ne changent pas de couleur – j’ai été prendre mon petit-déjeuner dans la salle de l’hôtel. Il n’y avait personne (8 heures du matin, c’était sans doute trop tôt). J’ai couru jusqu’à la plage, je n’avais pas de maillot de bain, je me suis baignée en culotte et soutien-gorge noirs.
L’eau m’a paru froide au début, puis je m’y suis habituée. J’ai fait quelques brasses et ensuite demi-tour. Je me suis essuyée avec ma jupe, déposée sur le sable, et je suis rentrée à l’Hôtel des vagues, j’ai demandé la note de la chambre 23, et j’ai été récupérer ma voiture un peu plus loin.
J’ai roulé vers Malo-les-Bains, Jean-Marc n’avait pas donné de ses nouvelles. Je me suis arrêtée quelques instants devant cette plaque de rue qui s’autorisait une esthétique originale : sans doute un écrivain qui en avait marre, lui aussi.
(Malo-les-Bains. Cliquer pour agrandir.)
Tout me semblait dérisoire et je me moquais bien de savoir le fin du fin de l’histoire du toit enfoncé. J’allais lui ramener sa bagnole telle quelle, sans dire un mot, et puis je le quitterais sur la pointe des pieds.
Il avait dû s’enferrer dans une de ces combines qui n’apportent que des ennuis. Les gens qu’il fréquentait ne me plaisaient pas : des mecs avec des mines patibulaires, des accents chtimis, des bières avalées toutes les minutes, et surtout de l’argent liquide, de provenance inconnue, qui semblait couler à flots.
Finalement, le Nord et ce type (ou l’inverse) n’étaient pas ma tasse de thé. L’étranger m’attirait, je prendrais un billet pour Paris, le temps de faire un peu de tourisme culturel, et ensuite départ d’Orly ou de Roissy : je jouerais la fille de l’air, il ne me retrouverait jamais, surtout si l’avion se crashait quelque part, ça arrive des fois.
L’autoroute de Dunkerque à Lille (sortie 12 vers Bailleul) se confondait maintenant avec l’obscurité du soir. J’ai mis le contact, les phares se sont allumés automatiquement, j’ai branché la radio sur une station de jazz et j’ai démarré, je suis partie sur les chapeaux de roues.
Je me conduisais désormais seule, le sourire aux lèvres.
(Malo-les-Bains. Cliquer pour agrandir.)
(Glenn Miller, Moonlight Serenade)
[ ☛ FIN ]
belle utilisation d’Edmond About, de Glenn Miller comme pour tout bon polar, et pas de sang… un bon pol©ar
fascinante la rangée de cabines
@ brigetoun : je n’ai pas résolu l’énigme !
Bien joué quand même!! et la musique un brin nostalgique en dit plus encore c’est à chacun de finir l’histoire …. sur la bonne route ou le fossé!!!
@ Arlette : le « suspense » restera donc en suspension :-))
Libération… soit.. Mais ils sont charmants ces gens du nord et leur café. C’est vrai qu’il n’était pas net son chéri. Libération… et elle nous quitte aussi..Glenn Miller est bienvenu alors.
@ Anna2B : les propos tenus n’engagent que celle qui les a pensés… 🙂
« Je me conduisais désormais seule, le sourire aux lèvres. »
Ah ben ! quand une femme devient enfin adulte, ça décoiffe ! (rire)
J’ai beaucoup aimé la justesse des ressentis « au féminin » exprimés et adoré la fin 😉
@ Sorcière : c’est agréable de se glisser dans la peau de quelqu’un(e) d’autre !
J’aurais emporter les serviettes de l’hôtel pour m’essuyer après le bain, parce qu’avec la mini-jupe, ce n’est pas très agréable.
Surprise, je la croyais aussi de Bailleul. Ça change tout, alors.
@ Alex : elle était sans doute quelque peu imprévoyante.
Et Bailleul se quitte aussi…
Bien aimé le jeu de mots de cette nana… à bout, qui se libère toute seule comme une grande. On lui souhaite maintenant de belles rencontres car « il faut que le corps exulte » comme chantait Brel.
@ Francesca : c’était peut-être son « dernier terrain vague »…
à dire vrai une femme comme celle-ci, si elle pense pouvoir s’essuyer à sa mini jupe après la mer, se baignera sans aucun doute voluptueusement nue… 😉 parole de fille
@ anna : sans doute à voir.
Bravo. J’adore cette fin. Parce que c’en est une. Une fin littéraire !
@ Désormière : merci, car je n’avais pas envie d’entrer dans le code de la (ré)solution finale…
J’adore l’expression « jouer la fille de l’air », sentiment de déployer ses ailes dès qu’on le souhaite.
@ Zoë : elle était peut-être hôtesse chez Air France (personnel navigant)…
… cet alignement de guérites qui fait comme une frise… merci, Dominique, pour vos visites.
@ Gilbert Pinna : merci pour votre passage toujours apprécié !