Le pont Dieu était bouché

 Le tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement…  Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

Aujourd’hui, j’ai de nouveau le grand plaisir d’accueillir ici Dominique Autrou, tandis qu’il m’a invité sur son blog la distance au personnage.

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Le cortège descendait la rue Alibert en provenance du Pré-Saint-Gervais, via les Buttes Chaumont. Il avait été décidé, cette année, que le Défilé National traverserait les anciens quartiers populaires de Paris, rendus depuis peu au commerce français de proximité ainsi qu’aux ouvriers authentiquement de souche (c’est-à-dire depuis plus de quatre générations), rapatriés depuis les barres de Deuil, et d’ailleurs. Enfin, la capitale exultait. Enfin, son homogénéité retrouvée !

Or, au débouché sur le quai de Jemmapes, il y eut un sérieux incident.

Contre toute attente, le pont Dieu était bouché. Ou plutôt, fermé à la circulation. Rien à faire, en dépit des efforts policiers, des aboiements de leurs chiens, sa barrière ne voulait pas s’ouvrir. Le gardien (un ancien pêcheur à la ligne abstentionniste récompensé après les élections par ce poste tranquille, en sus d’une baisse de ses impôts), convoqué sur-le-champ, ne put que bredouiller des excuses (« ah bah – eh ben chais pas – c’est pas français le matos »). Ah oui, diable oui, on était bien avancés.

Plusieurs années après cet évènement, les historiens s’accorderaient pour situer ici le premier acte de cyber-résistance, la barrière étant réellement pilotée par un ordinateur central en quelque sorte hacké par une organisation révolutionnaire évidemment interdite, mais dont certains membres avaient survécu, qui aux geôles, qui à l’expulsion, qui à la déportation, etc. On parlerait désormais de l’action Artemis.

Dans l’immédiat, le cortège dut se résoudre à emprunter l’escalier en chantant des cantiques à Saint-Martin. Pour finir, l’anicroche fut vite oubliée et ce fut le spectacle habituel de liesse admirable, au pique-nique (saucisson de l’Ardèche, rillettes du Mans, camembert de Normandie, fraises de Plougastel, vin d’Anjou AOC et autres joyeusetés régionales) organisé Nouvelle place Jeanne-d’Arc (anciennement place de la République).

La barrière 2.4.14_DH 2(L’image peut être agrandie.)

texte : Dominique Autrou

photo : Dominique Hasselmann

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10 réflexions sur “Le pont Dieu était bouché

  1. Un article vraiment remarquable. Il offre une piste à suivre tout à fait légère et profonde à la fois. En connaissant les lieux et l’importance « stratégique » de ce carrefour entre la Marine et Monsieur Dieu, on aurait envie de rencontrer ici Nerval en personne ainsi que le petit mec chargé du fonctionnent du barrage ! Je partage très vivement ce barrage qui nous allonge la vie ! MERCI !

  2. brigetoun dit :

    souhaitons leur une longue ignorance de l’informatique (malheureusement cela ne semble pas être le cas)

  3. Christiane dit :

    Excellent et drôle !

  4. Fabrice dit :

    Belle aventure Dominique qui me rappelle — et faut-il qu’il m’en souvienne —, que sous le Pont Mirabeau coule toujours la Seine.

  5. Dom A. dit :

    Merci à vous tous pour vos sympathiques interventions (et gardons espoir et moral !)

  6. PdB dit :

    j’ai pensé à la « grande panne » où les électrons eux-mêmes ne répondraient plus aux différences de potentiel (révoltés électrons)…

  7. Il y a toujours eu quelqu’un pour résister au cours de l’histoire, et Artemis est un beau nom pour cela, force lunaire et féminine qui ne s’en laissera pas conter, et qui chassera l’oppression. On espère qu’elle n’aura jamais besoin de sortir son arc !

  8. Je souhaitais répondre aussi en miroir sur le texte paru sur le blog de Dominique Autrou. Mais, il semble que je ne sois pas très douée .. Aussi je me permets de le poster ici, après tout les vases communiquent …
    A propos du texte du miroir :

    Parfait !
    Un grand moment : l’éclat de cette mystérieuse photo et la beauté de ce texte, m’ont enchantée, suspens, mystère et amour, tout y est.
    J’ai beaucoup aimé suivre cette histoire au travers de votre miroir sans teint, mais si brillant pourtant !

    • @ mchristinegrimard :

      • pour les problèmes techniques concernant les commentaires sur le blog de Dominique Autrou, voir avec lui…

      • pour le texte, merci ! Il doit beaucoup à sa photo incitatrice !

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