Il arriverait un certain décalage : des hommes ou des femmes entreraient dans la photo puis en sortiraient ; vous n’arriveriez nullement à les empêcher d’en franchir le cadre, dans un sens ou dans l’autre. Ils viendraient par la gauche ou par la droite, ils stationneraient peut-être un instant mais ensuite quitteraient, sans espoir de retour, le filet à papillons numérique que vous auriez lancé discrètement dans Paris.
Quelles traces pourraient imprimer de telles allées et venues ? Des personnages inconnus traverseraient votre champ visuel, le temps d’une seconde qui s’agite, et ensuite rien ne se serait jamais produit. Même la photo de ces silhouettes (piétons, cyclistes, voitures…) ne permettrait ni de les identifier – après tout, vous ne faites pas partie de la police oculaire – ni d’avoir réussi à les capturer de manière plus sensible.
Peut-être un lointain parfum de femme, le bruit d’un moteur de scooter, une odeur de gaz-oil (dont les effluves ne vous gêneraient plus dès 2020 à Paris) marqueraient-elles encore ces images si fugaces, fugitives, fuligineuses, de leur empreinte fatale.
Vous auriez ainsi accumulé quelques traces de moments sans queue ni tête, ne revendiquant comme existence que celle que vous auriez décidé de leur accorder, en raison même de leur peu d’importance apparente, celle, ailleurs, suivant le coup de dé dans un autre quartier, d’un pigeon blessé au bord du trottoir, d’un SDF assis près d’un distributeur automatique de billets, ou bien d’une femme en foulard marchant au milieu des voitures, carrefour de la porte de la Chapelle, avec un écriteau en carton portant la mention orthographiée spontanément « Famille sirienne ».
(bd de la Chapelle, 10e, 26 janvier.)
(rue Saint-Maur, 11e, 27 janvier.)
(avenue Parmentier, 11e, 27 janvier. Dodge 4 x 4 « Nitro ».)
(rue des Récollets, 10e, 27 janvier.)
(rue des Vinaigriers, 27 janvier, 10e. Toutes les photos sont agrandissables.)
(Chet Baker, Almost blue)
vous auriez re-dessiné Paris, le faisant danser (et vous relèveriez la jolie rencontre de voitures de temps différents, et les lumières de la ville)
@ brigetoun : ce serait – comme vous diriez – plutôt un croquis par-ci par-là… 😉
Début de script de l’Escargot
@ colorsandpastels : il vous manque !
Je l’attends !
@ colorsandpastels : apparemment, il prend son temps… 😉 D.H.
Photo 1 et 2, la paix à côté de la boucherie, comme dans l’actualité.
J’aime ces personnages qui.marchent dans vos photos, comme ceux de Giacometti, ils ont une grandeur philosophale – ils vont vers leur destin.
Je préfère humer le « parfum de femme » que celui du gas oil.
@ Alex : tant que l’on n’interdira pas le premier… 😉
Fugitives images en rebond -clin d’oeil d’étoiles filantes un plaisir de choix Merci
Aime …grandeur philosophale d’Alex
@ Arlette A : la pierre du même nom serait peut-être cachée dans les pavés… (merci !)
Votre filet à papillons numériques est branché sur la fréquence « surprises insolites ». J’aurais bien loué le carrosse chez Europcar, mais fournissent-ils les chevaux ou faut-il apporter les souris de son grenier ?
@ mchristinegrimard : Merci pour cet aperçu poétique !
Je regardais de près ce 4 X 4 quand l’autre véhicule est passé… : le bruit des chevaux m’a fait sursauter ! 🙂
J’aime beaucoup cette idée du filet à papillons numérique où défilent des silhouettes humaines ou mécaniques. J’aime aussi les deux instants au même endroit. Cela contribue à la peinture des lieux.
@ Domi Amouroux : je vais peut-être finir par arriver à l’image animée (comme dans les films des frères Lumière) !
J’aime le début d’histoire des deux premières photos : d’abord le jeune homme, puis la dame âgée, doivent entrer à l’Hôtel de la Paix et y disparaître…
J’attendais une suite 🙂
@ Francesca : le plaisir est aussi dans l’attente ! 🙂
le trucage d’images du coin Saint-Maur/Oberkampf est fermé… (remarquable le fait que se précipitent au devant de l’objectif – si mal nommé – des gens qu’on n’attend pas, j’en ai fait de très nombreuses expériences…) magnifique musique aussi d’ailleurs (dimanche jazzy qui commence…)
@ PdB : mais non, le trucage est ainsi complet !
(Le dernier biopic sur Chet Baker vaut peut-être le déplacement…)
Ou comment coincer, entre deux images, l’invisible.
@ Adrien Le Bihan : merci pour cette belle observation, visiblement ! 🙂
Merci pour ce fugace instant où je suis rentrée chez moi (en passant par le 10eme!) Presque rien n’a bougé. Les odeurs en moins mais depuis les souvenirs, elles arrivent quand même à vous chatouiller les narines. Ce flot continu d’images qui ressurgissent du passé accompagne allègrement mon café et comme lui, me laissera un goût amer. Douce mélancolie. Positive. Merci.
@ Christelle : il suffisait que le sucre fonde… 😉
…ou l’accompagner de tartines à la confiture. Un autre matin, peut-être. Aujourd’hui, le café était noir, serré, pris à la va-vite au coin d’une table emblayée de la veille. Bien loin d’un petit-déjeuner digne de ce nom. Un autre matin, peut-être.
Merci pour la balade !
@ Christelle L : à part les « brunchs », les petits-déjeuners parisiens sont toujours assez minimalistes !
Joli !
Et Chet baker en prime, j’adore .
¸¸.•¨• ☆
@ celestine : merci !