J’étais à Beaubourg, au cinéma MK2, vendredi après-midi, où j’ai vu le très beau film La Sapienza d’Eugène Green.
Le récit ressemble à un faux documentaire sur un architecte italien du XVIIe siècle, Francesco Borromini, à la recherche duquel, dépité par l’industrialisation obligée de ses propositions architecturales en France, le héros va s’attacher pendant quelque temps à Rome, en y emmenant sa compagne.
Lu, plus tard, un article dans « Libé » où tout est raconté de A à Z, mais on peut s’en passer : il suffit d’aller voir ce film qui déploie un véritable enchantement quant à l’idée et à la forme – paysages ensoleillés, bâtiments de Rome, jeu « bressonnien » des acteurs, avec la participation du réalisateur lui-même dans la peau d’un « Chaldéen », cadrages et montage comme apaisés, réfléchis, attentifs et réverbérants, scénario tiré au cordeau, musique semblable à un lac transparent.
Eugène Green avait rencontré Manoel de Oliveira, le cinéaste portugais récemment décédé à l’âge de 106 ans : les poètes savent se reconnaître.
Le cinéma – comme l’art, en général – conserve et perpétue ainsi (sauf destructions irrémédiablement imbéciles) des gestes tracés par amour et qui échappent aux attaques du temps.