Le tiers livre et scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste des participants de ce mois et la recension de l’exercice sont établies par eclectante, qui a succédé à Angèle Casanova, après la gestion d’anthologie qui en fut réalisée par Brigitte Célérier.
Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir de publier ici un texte de Marie-Noëlle Bertrand, tandis qu’elle m’offre l’hospitalité sur son blog La dilettante.
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Dans la lumière humide d’avril,
il passe, il ne me voit pas
de toute façon, il ne me regarderait pas
il détournerait les yeux.
Il fixe sa tablette tout en marchant,
il se croit connecté…
—
Aujourd’hui, moi, j’ai déconnecté,
je suis resté sous la tente,
fragile esquif au cœur de la ville,
bulle où commence la contrée nommée exclusion,
il ne veut pas en franchir la frontière,
ne serait-ce que d’un regard…
Je suis l’incarnation de ses pires craintes.
—
A louer, la pancarte est là depuis des semaines…
Quelqu’un s’est-il dit une seule fois :
celui qui est assis sur le seuil,
celui qui est allongé sous la tente,
d’autres aussi
pourraient y trouver un abri de fortune.
C’est sûrement pas chauffé
mais au moins, ils auraient un toit sur la tête…
—
N’ont-t-ils pas plutôt pensé
Allez wake up, bouge-toi feignasse
T’as deux bras, deux jambes…
Je suis une vie qui ne compte pas,
pas même une ombre de la rue.
—
Je suis le spectateur de leurs vies,
nos quotidiens sont deux mondes même pas parallèles…
Je ne suis pas l’invisible,
je suis l’invu, l’inregardé.
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texte : Marie-Noëlle Bertrand
photo : Dominique Hasselmann
et pourtant je t’ai écouté
Merci pour cet échange fort en émotions entre celle de la photo et du texte !
@ mchristinegrimard : oui, les deux se sont bien conjuguées !
Il y a les « connectés », et puis les autres, les « invus », les « inregardés », les Intouchables.
Alex : Intouchable aussi mais avec l’usage de la photographie, j’étais plus dans ce qui est de l’ordre du regard.
Parfois on en voit un, on le regarde, on lui parle et même on lui donne quelque chose, mais c’est une goutte d’eau dans la mer de l’indifférence…
Francesca : Ce que vous dites est vrai mais si tout le monde y mettait sa goutte d’eau…
Fragment du jour 1
Sur un bout de carton :
« J’ai faim, aidez-moi ».
Une femme s’assied près d’elle,
sort un sandwich de son sac.
Elle le partage, l’instant aussi.
Merci à Dominique pour l’accueil et à vous tous qui avez pris le temps de lire mon texte et de le partager.
@ mnb (@eclectante) : accueil et remerciements partagés ! 🙂