Archives du 14/04/2014

Visées d’Henri Cartier-Bresson [2/3]

Ainsi, je serais sans doute une sorte de privilégié parce que j’aurais réussi à accéder (grâce à quelque louche passe-droit) à l’exposition Henri Cartier-Bresson, dimanche 6 avril à 10 h 45 au centre Pompidou, ainsi, j’aurais échappé au « monde » intéressé par son œuvre multiforme et les visées ou idées qu’elle véhiculait, ainsi, je n’aurais pas été gêné par des dizaines de têtes en rangs d’oignons devant chacun des dessins, chacune des peintures, chacune des photos, chacun des documents sous vitrines, chacun des films projetés sur des écrans (comme au cinéma), ainsi, j’aurais été épargné par une procession de personnes qui – on se demande bien pourquoi – semblaient attirées par la renommée ou la découverte d’un simple photographe, pourtant décédé il y a déjà presque dix ans, et étaient prêtes ou s’apprêtaient à se promener dans des salles et à s’arrêter devant telle vue captée au 30ème de seconde ou devant telle attitude ou mouvement immobilisés au 125ème de seconde, ainsi j’aurais enjambé allègrement des centaines de visiteurs, j’aurais même écrasé les pieds de quelques-uns d’entre eux sans le faire exprès, j’en aurais bousculé d’autres sans m’excuser, j’aurais tracé mon chemin comme si j’étais vraiment seul dans ces pièces hautes de plafond, comme si l’exposition m’avait été réservée (en tant que visiteur de marque), ainsi – et c’est peut-être une autre hypothèse – je n’aurais pas du tout aperçu les gens qui tordaient leurs longs cous devant les cadres accrochés aux murs tout en se laissant clouer le bec, ou ceux qui jouaient des coudes dans cette cohue abominable qui les voyait soudain tout suant, soufflant, criant, ergotant, éructant, glapissant, tremblotant sur leurs jambes en compote, s’escaladant les uns les autres, s’empoignant sans façon, se crachant à la figure, se déchirant les vêtements, s’arrachant les sacs ou les boucles d’oreilles, les colliers, les écharpes, les montres, les iPhone, s’escrimant avec leurs voisins mal élevés, mal éduqués, mal embouchés, des (forcément) bobos de Paris et (bien sûr) des ploucs de province, sans oublier ces hordes de touristes débarqués par cars entiers de tous les continents, et l’invasion démente des Japonais en goguette munis de leurs inévitables Nikon, Canon, Minolta, Sony, Fuji, Mamiya, Ricoh, Pentax…, cela ressemblait presque à une photo de HCB prise en Chine, mais celle-ci avait déjà été réalisée, inutile alors de l’imiter, le long des cimaises grises et sous les néons blafards, là, sur-le-champ (de bataille).

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HCB15_DH(Truman Capote, 1947.)

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HCB20_DH(Photos : toutes peuvent bénéficier d’un agrandissement gratuit sur l’écran.)

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