Archives du 09/02/2015

Ce cadrage est sans pitié

(cliquer sur l’image)

« Il y a des tableaux parce qu’il y a des murs. »

Georges Perec, Espèces d’espaces, Éditions Galilée, Paris 1974 (Médiations N° 146, 1976, page 58).

Je me suis posé la question, une fois encore (principe de répétition) : pourquoi tout est-il cadré ou encadré ?

Notre vie, nos habitudes, nos désirs, nos rêves, nos élans, nos déplacements, nos transports, amoureux ou autres, notre passé, notre futur, nos lectures, nos visions (films, tableaux, scènes de la vie quotidienne), ce que nous entendons.

Il existerait donc une sorte de géométrie de l’existence, et Dieu s’appellerait Pythagore (ne pas représenter son portrait, danger !).

L’appareil photo cadre les choses, comme Georges Perec les enregistre sur son carnet. Elles sont inscrites dans un carré ou un rectangle, horizontal ou vertical, comme mises à l’abri, circonscrites à un espace qui ne doit pas déborder des limites. On pourrait imaginer un « grand angle » (objectivement) non soumis aux règles optiques de la photo et qui balaie au-delà de ce qui est prévu. On ne constaterait même pas sur l’écran ce qu’il va retenir comme images au final.

Un « cadreur » (ou caméraman) cale dans son viseur ce qui ne doit pas en sortir. Le plan fixe est reposant à cet effet. Le « hors-champ » équivaut, je crois, au « horla » : le fantastique vient alors rôder sur les bords.

Si l’on pouvait sortir du cadre, l’horizon apparaîtrait sans doute plus immense que ce que l’on peut en deviner (les lunettes délimitent le champ de vision, plus que les lentilles de contact, comme leur nom l’indique).

Les « portes de la perception » (relire Aldous Huxley) s’ouvrent aussi d’une autre manière – l’imagination ou certaines substances contribuent à leur élargissement – et puis il suffirait peut-être de sauter par la fenêtre.

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