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« Cinquante nuances… » : degrés en dessous de zéro

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Je me doutais bien que ce n’était pas le chef-d’œuvre absolu, malgré le tapage déjà déclenché par le livre de E. L. James dont il est l’adaptation : c’est sans doute par désœuvrement (si j’ose dire) que je suis allé voir ce film hier après-midi.

Par chance, le nuancier du ciel a consolé au retour ma cruelle et attendue (je dois être un peu maso !) déception.

Car le film de Sam Taylor-Johnson, intitulé Cinquante nuances de Grey (autant reprendre le même titre que le best-seller trilogique : il paraît qu’il sera suivi de deux autres épisodes, pitié !) est un navet congelé qui n’ébranlerait même pas un ancien directeur du FMI.

On connaît l’histoire : une étudiante dénommée Anastasia Steele (qui n’est pas en acier trempé), interprétée par Dakota Johnson, dans le genre Isabelle Adjani jeune et « innocente », rencontre le fringant PDG d’une grosse boîte, Christian Grey, joué par un certain Jamie Dornan (totalement inexpressif) et qui va lui révéler ses « talents » cachés dans le domaine du sado-masochisme et de la valse des cordelettes, menottes, attaches, martinets et fouets de différentes tailles.

La pauvre fille se voit alors proposer un « contrat » (aux USA, tout est juridique) la livrant aux fantaisies sexuelles de son « dominant », devenant ainsi sa « soumise » (Michel Houellebecq n’a pas dit qu’elle portait le voile), au point qu’elle se voit offrir un cabriolet rouge tout neuf (pour fêter son diplôme universitaire de littérature anglaise) contre sa « voiture de collection » vendue sans qu’elle le sache, une pourtant si mignonne Coccinelle VW.

Les scènes « hot » ressemblent au glaçon que l’homme aux gros biceps et aux « tablettes de chocolat » promène entre les seins, sur le nombril et ailleurs, de sa proie. Aucune force, aucune violence, aucun sentiment apparents (malgré les tapes sur les fesses, les coups de fouets et les fondus-enchaînés destinés à nous cacher l’étendue de la gamme qui se pratique dans la « chambre rouge » où cul rime avec ridicule), lors de scènes toutes aseptisées et convenues.

Il est vrai que le sieur Grey joue aussi, à ses moments perdus, du piano (à queue) – quand il n’emmène pas sa nouvelle conquête en hélicoptère ou en planeur (pourtant le film ne vole pas haut) afin de lui en mettre plein la vue.

La musique permanente et les chansons sucrées soulignent toutes les séquences de leur bouillie plutôt écœurante.

Si l’on repense à des films comme 9 semaines 1/2 d’Adrian Lyne (1986) ou La Vénus à la fourrure de Roman Polanski (2013), la comparaison laisse pantois.

Dans la grande salle 1 du MK2 quai de Loire, à 13 heures, il n’y avait qu’une quinzaine de personnes. Je doute qu’elles aient pris un quelconque plaisir à subir, pendant deux heures et cinq minutes, cette fade resucée d’un livre démagogique (« je l’ai pas lu mais j’en ai entendu causer » !), destiné à l’origine au grand public américain plutôt prude.

Cette grosse boulette, collante comme les larges rouleaux de ruban adhésif que le « héros » de l’histoire achète dans la boutique où officie sa victime, s’avère sans scénario, sans invention, sans audace, sans mise en scène, sans performance d’acteurs, dépourvue au bout du compte de tout sens artistique.

L’érotisme est ici totalement et paradoxalement absent, ce qui était pourtant, semble-t-il, l’un des ressorts du film annoncé comme devant déclencher des cascades de rinçage (à l’œil).

Nuances2_DH(Photos : cliquer pour agrandir.)

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